lundi 7 décembre 2009

Qu'est-ce qu'un lecteur ?

C'est la question qui me vient, à chaque fois qu'une personne inconnue me semble proche, grâce à une sensibilité voisine à un texte (c'est encore plus troublant quand il s'agit du mien) Un lecteur est le frère d'un jour, dont je découvre le coeur sans connaître le visage.

Pour ce livre particulier, qui a peu de lecteurs, je ne peux m'empêcher de citer ce qu'un nouvelle lectrice (lecteur ? ) écrit sur son blog, le goût des livres.


Fragments de bleu

AB
"Je ne veux pas te parler de grandes choses, je veux te parler seulement de ce qui est presque invisible. Des respirations, des instants dont la lumière brille secrètement sans jamais se corrompre. Le soleil miroite à la surface des vagues. Les enfants courent sur la plage. Leurs rires, leurs voix, leurs appels traversent l'air. On entend l'eau, l'espace et le temps infini qui se déploient dans leurs cris".
Ce livre est un petit ovni littéraire, un vrai bijou. La quatrième de couverture mentionne "roman", j'ai eu beaucoup plus l'impression d'un journal intime qui ne se serait adressé qu'à moi. Une femme dans la cinquantaine écrit à son compagnon dont elle partage la vie depuis trente ans. Des fragments de vie sont évoqués, des émotions, des rencontres, le temps qui passe, la mémoire, la naissance, la mort ...
L'écriture est poétique, allusive, elle touche au plus profond de l'être. Des mots qui sont comme chuchotés, qui effleurent l'âme. De quoi est faite une vie ? J'annote rarement mes livres, là j'aurais voulu le faire constamment.
"J'écris parce que les mots posés sur une page ne sont plus à formuler, on peut aller vers autre chose. Ils ont laissé la trace de leur passage. Ce qui s'inscrit peut s'oublier. J'écris parce que les mots nouent le désir avec la peur, l'amour avec la haine, la mort avec la vie. Ils construisent des châteaux et les renversent. J'écris parce que les mots posés ne sont pas les mêmes que les mots parlés. Ce sont des mots gardés, des mots goûtés, des mots sauvés, des mots choisis un à un pour former une flèche touchant au coeur".
Tant de livres ne parlent que de malheurs et de destructions, celui-ci laisse une large place à ce qui se construit tout au long d'une vie, patiemment et avec amour. Un livre dans lequel je retournerai picorer régulièrement ..

et avec cette belle mise en scène d'Airelle, que je remercie de tout coeur :

Fragments de bleu 008.jpg
Dans ce roman, la narratrice nous chuchote son histoire, elle semble nous parler. En réalité, elle s'adresse à l'homme avec lequel elle partage sa vie depuis trente ans. Tout en finesse et sensibilité, la plume dévoile des fragments de vie au fil du temps et offre de purs moments de poésie
"Printemps, été, automne, hiver, quatre horizons, quatre voyages, forment des paysages changeants, mobiles, renouvelés. On se replie dans le gris, on se déploie dans les couleurs, on avance, on tourne avec les jours, on marque les temps pour que la valse nous entraîne."
Catherine Leblanc fait l'éloge de la nature, elle évoque également le tourbillon de la vie, celui qui apporte des joies comme celle d'une naissance (la naissance de David m'a beaucoup émue) mais aussi des peines intimes (le départ d'un être aimé, la maladie d'une amie...) et universelles (les guerres, la détresse des réfugiés...).
"L'avenir revenait comme une amande au coeur du présent".
Ce livre est magnifique, je n'avais pas envie de le refermer. Je voulais poursuivre mes petits pas sur le fil invisible de la vie , celle qui offre des "fragments de bleu" comme des pépites, partout dans ce monde infini.
"Même en lambeaux, la vie repart".
Je tenais à citer dans ce billet un très beau passage, j'ai déjà parlé sur cet espace de mon amour pour les arbres, et ces quelques lignes ont embué mes prunelles
"Viens, je veux rencontrer dans ta bouche la forêt, sentir sous ta peau le battement des rochers. Ecouter ton souffle, entendre l'océan. Reconnaître ton corps, unique au milieu du monde et me laisser emporter.
Viens, l'hiver attendra! le soleil tourne en nous. Eparpille cette paille dorée. Contre le mur, des roses s'ouvrent encore. L'été se brise doucement.
Viens, mon amour, viens dans la beauté des choses. Il y a un espace entre naître et mourir, un fragment de bleu que tu peux descendre du ciel".
J'ai envie de citer chaque page, ce livre est un bijou.



2 commentaires:

Paolina a dit…

Je viens de refermer votre livre et je partage l'avis d'Aifelle. Je suis très émue par cette lecture. Bravo pour votre talent et merci pour ce si beau moment de lecture.

Aifelle a dit…

Bonjour, c'est en passant chez Mirontaine que je découvre mon billet chez vous .. j'en suis toute émue (je suis bien une lectrice). Ce livre continuera à m'accompagner, il fait partie de ceux qui nourrissent. J'en profite pour vous souhaiter une excellente année 2010.