lundi 3 mars 2014

Il y a quelqu'un ?

J'aime écrire des proses brèves. Je vous propose ici trois extraits de mon dernier recueil :
"Il y a quelqu'un ? "
Il paraitra peut-être un jour...

Grain de sable



Les jours gris se répètent en long tunnel. Derrière un mur, des enfants jouent dans la cour de  l’école. Leurs cris éclaboussent, comme au bord de la mer. Des voix,  des appels, des courses, toute une rumeur. L’été.
Un grain de sable interrompt le défilement temps. Se  révèle une saison secrète, un espace tout proche, une trouée de soleil.
Un instant, je me retrouve sur la plage, dans une vague. Les enfants  nagent au-dessus de l’eau.




Moitié  humain ?



Lui aussi est venu pendant des années, mais aujourd’hui, c’est un adolescent et personne ne sait qu’il disait n’importe quoi. .
Il voulait devenir le roi des vies. Lui n’en avait pas. 
Il confondait hier et demain et la plupart des choses. Il disait qu ‘il était une boulangerie. Ensuite, il est devenu  à moitié fantôme, à moitié humain , ce qui était un progrès. À l’école, il y avait des pièges. Les lettres au tableau se déguisaient. Il entendait juste quelques voix et se tapait la tête quand il croyait avoir  une mouche dans ses cheveux. Il ne comprenait pas, on le croyait bête, mais  c’est qu’il se méfiait des mots. Il craignait d’être  pris dans un filet de filles. Quand on venait le chercher, il se cachait,  un jour, non, il est resté, il avait  trouvé une autre idée : faire semblant d’être un autre enfant. Semblant, c’était nouveau, un petit espace de jeu.  Il était étonné d’aller mieux. Parler c’était bien, même s’il disait encore le mot contraire. Il a commencé à faire des rébus d’impasse. D’abord, c’était le vide, après, c’était les solutions. Il y avait moins de présences espionnes. Il apprenait  consciencieusement et sans faiblir toutes les règles du jeu, les usages, les codes sociaux et les signes mathématiques. Tout ému d’avoir  réussi à être accueilli dans une petite bande. Avant, dit-il,  j’avais fermé la porte à clé. Maintenant, des fois  je l’ouvre.



Un à un


Il ne sait pas pourquoi tout s’est cassé dans sa vie. Jusque là, ça allait. Un ado comme un autre. Il s’adaptait,  suivait les autres. Et maintenant, il a tout le temps peur.  Il ne peut plus faire face. Son visage a changé. 
Il a mis longtemps avant d’accepter de me rencontrer, mais il ne pouvait plus faire autrement, à moins de renoncer à  l’existence.
Il parle lentement. Il cherche les phrases justes. Un à un, les mots viennent relever l’être tombé sans bruit.



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