Un petit livre qu'il est doux de partager en ce début d'année.
Catherine Leblanc propose des proses brèves et en quelques phrases, on sait tout ou presque sur l' étranger.
Celui qui nous est différent, inconnu, transparent. Ce peut être une ombre, dans le flot des passants.
C'est l' homme qui porte sa vie, comme une grenade.
C'est aussi cette vieille dame voûtée, celle qui traverse avec attention, la minute qui passe.
C'est aussi ce double singulier, assez troublant, derrière l' écran:
" Il n'a rien à ajouter à ces propos insignifiants, il reste caché derrière l' écran, mais il maintient avec ironie ce lien ténu avec ses semblables. Il se dit qu'en lui, c'est mort. Ou presque."
Fragments de bleu m'a fait découvrir la jolie maison de mots de l'auteur. J'admire, une fois encore, cette faculté à étoffer des portraits, des vies, en si peu de mots. Des mots choisis, précieux pour porter à la lumière des étrangers, qui petit à petit, au fil des pages, ne le sont plus. Et leur présence lumineuse nous éblouit en quelques phrases.
Les mots s'alignent et deviennent différents, dépourvus de leurs atours sociaux. Une économie des mots à la puissance évocatrice, surprenante et singulière.
" Je lisais et creusais l' écart avec l'ombre. L' espace intérieur se bricolait, se construisait. Entre les lignes, les autres apparaissaient. Ils partageaient les mêmes émotions, mais le disaient d'une manière unique. Je le dirai aussi.
J, e, deux petites lettres pour échapper aux crocs."
Porte-voix des êtres singuliers, Catherine Leblanc esquisse les portraits "des tourbillons qui ne se posent jamais, des errants propulsés par le vent" et l'on apprend à ses côtés, grâce à sa prose poétique à apprivoiser des sauvages, ceux dont les paroles s'égarent, des criants aux voix éclatées. Dans les silences, l'auteur perçoit ce tissu communautaire de l'infiniment petit qui nous relie tous. Ce sont des portraits comme des photographies instantanées.
Parallèles, à côté, nous ne sommes pas très loin mais étrangers quand même. La vie nous sépare un peu. Et pourtant...
Les récits de vie vibrent sous la plume et dans nos têtes très longtemps, sous la forme d'âmes célestes,aux voix variées, avec lesquelles nous ne sommes plus si étrangers.
Chez L'Amourier, 2015.
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