Un grand merci à Jacqueline Persini-Panorias pour sa très belle note de lecture, qui va paraître en juin dans la revue Poésie première.
Si loin, si près, Catherine Leblanc, éditions du petit Pavé, 205p, 16 E.
En l’année 2009, année de la crise, à Angers, des histoires de couple s’entrecroisent avec leur cortège de désamours, le risque de perdre l’autre et soi, le sentiment d’échec et de désastre. Mais l’étincelle du désir de vie reste présente, métaphorisée peut-être par les nombreux incendies qui figurent dans le roman. Jusqu’à cette petite fille aux allumettes qui veut à tout prix conserver la flamme de l’espérance, quitte à mettre le feu à une remise. Vie et mort, création et destruction s’inscrivent dans la flamme du désir. Le sentiment de précarité, la perte à tout instant de ce qui est essentiel et donne sens au monde sont présentifiés dans les personnages, en particulier celui d’Adèle.
Précarité aussi dans le registre du social où devant la violence, l’injustice, la brutalité d’une intervention policière, un demandeur d’asile affirme : « J’ai honte de ce pays, heureusement que mon fils ne naîtra pas ici. »
Dans la sphère de l’intime, pour se préserver illusoirement de la perte, comment trouver la bonne distance entre « le désert et l’incendie, entre « l’absence et l’asphyxie » ? Comment choisir entre « exister trop » ou « pas assez » ? Dans le plus profond désastre, la plus noire solitude, qu’est-ce qui permet de garder ou créer cette petite flamme indispensable à la vie ? Peut-être tenter de ne s’accrocher à rien, de savoir que le lien avec soi, avec les autres persiste au delà de la plus grande désespérance.
Des phrases simples et rythmées, des mots délicats, justes, précis campent une situation, donnent voix sensible aux personnages. L’écriture de fragments permet de rapides déplacement d’un univers à un autre. Pas d’inertie, d’ennui mais les mouvements d’un vivant qui trouve toujours une allumette à craquer, à partager avec d’autres. Les blancs donnent un silence à la folie du monde, la possibilité de reprendre souffle, de respirer dans les flux et reflux des vies. Les cheminements complexes d’Adèle nous émeuvent, du noir de la détresse au grand soleil de l’amour et à celui de la solitude choisie et assumée. « Elle allait continuer, juste sentir, instant après instant le mouvement de sa vie. Elle inventerait quelques livres, elle irait à la rencontre de son fils, de ses amis, des gens sur son chemin. Elle essaierait de se traiter avec beaucoup de douceur et pas trop d’importance. »
Avec simplicité et modestie, C. L. déploie les questions vitales de l’humain sans peser sur le lecteur qui a le temps de les laisser résonner en lui, de les prolonger par ses propres échos. Quand lâche la douleur, accepter d’être seulement « quelqu’un qui regarde le printemps », « qui n’attend rien d’autre que l’instant même » et parfois se rencontre alors la beauté du monde. Celle du livre de C.L.
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