lundi 19 octobre 2015

Le grand et le petit

Quel bel   bel article de Delphine Monteil ! 
à découvrir, son blog de littérature jeunesse, l' étagère du bas 

Le grand et le petit est un album au titre simple mais qui en dit long. Oui, dans une fratrie ou dans une amitié, le rang que l’on occupe est très important. Il n’est pas dit si les garçons de l’histoire sont frères ou amis, le lecteur se fait sa propre opinion. Vous noterez le jeu de regards sur la couverture: le grand baisse les yeux alors que le petit lève la tête pour rencontrer le regard de l’autre. Les deux enfants se retrouvent donc au milieu. Pour cette histoire, l’auteur Catherine Leblanc a choisi de parler de deux garçons dont on ne connaîtra jamais les prénoms. Ils sont « le grand » et « le petit », des adjectifs substantivés. Le livre s’ouvre sur ces trois phrases: « On les appelle toujours le grand et le petit. Le grand construit un bateau. Le petit veut faire pareil. » Et c’est aussi le début de la course ! Pas une course de bateaux, mais une véritable compétition entre les deux garçons…

Ce récit est sublimé par le talent de Jean-François Martin qui met réellement en scène les deux enfants avec un jeu d’ombres du meilleur effet. Le format paysage du livre et le cadre des images nous plongent vraiment dans un petit théâtre d’ombres, qui n’est pas sans rappeler le travail de Michel Ocelot. Et la cerise sur le gâteau est, bien entendu, le côté rétro des illustrations qui fait résonner l’époque des garçons en culottes courtes…
L’opposition grand/petit est exploitée jusque dans la typographie et la taille de la police utilisée. On peut saluer le travail de la création graphique réalisée par le collectif « 2 œufs bacon p’tites patates » dont l’illustrateur Jean-François Martin fait partie avec Delphine Renon et Guillaume Renon.
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© C. Leblanc et J-F Martin pour le Seuil jeunesse
Et si, au début, le grand et le petit travaillent main dans la main, cela ne dure pas longtemps… Le petit ne parvient pas à se débrouiller tout seul et sollicite constamment le grand qui en a assez et voudrait bien travailler tranquillement. Chacun pense que l’autre a plus de chances d’impressionné leur petite voisine, spectatrice temporaire du duel et qui est un véritable moteur pour les garçons ! Le petit pense: « Et si moi je n’y arrivais jamais ? Je resterais toujours le minus. De toute façon, lui, on l’aime plus car il est le grand. » Et le grand se dit: « Et si le petit me rattrapait ? La honte ! On m’appellerait le plus grand et le plus bête. Déjà, lui, tout le monde l’aime plus car il est le petit. » Mais, on est toujours le petit ou le grand de quelqu’un d’autre et il faut apprendre à se satisfaire de sa place avec les avantages qu’elle comporte. On ne peut pas nier le revers de la médaille avec la pression que l’on peut avoir sur les épaules quand on est le plus âgé et le sentiment de nullité qui peut aussi écraser le plus jeune.
Les échanges entre les deux garçons sont tout à fait justes et pertinents. On sent la finesse et l’intelligence de Catherine Leblanc, psychologue de métier. « Furieux, le petit se précipite vers le grand pour le frapper. Celui-ci le repousse. La colère du petit l’impressionne, mais il a peur aussi de sa propre force: s’il se mettait en colère à son tour, il écrabouillerait le petit. » Cet album montre à quel point la relation fraternelle ou amicale combine des sentiments forts (même chez les plus jeunes enfants) que ce soit dans la colère mais aussi dans la bienveillance… Bref, Le grand et le petit offre aux lecteurs toute la palette des émotions du conflit: l’envie, la compétition, la jalousie, la violence physique, la colère.
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© C. Leblanc et J-F Martin pour le Seuil jeunesse
Sans trop vous en dévoiler, je peux vous dire que le calme revient après la tempête et que les deux garçons ne finiront pas fâchés. Ce n’est pas un album basé uniquement sur le rapport conflictuel, mais sur une dispute entre deux enfants qui va jusqu’au bout avec la violence que cela peut engendrer. Au final, c’est une chamaillerie de plus qui finit dans le rire et la connivence. Cependant, la pirouette d’humour à la fin montre à quel point les scènes se rejouent dans les relations (familiales ou amicales). Et que ce soit avec son frère ou son meilleur ami, on sait bien à quel point l’on peut se disputer et s’adorer à nouveau la minute d’après…

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